Retour dossier démantèlement COMPRENEZ-VOUS L'ARRET DU CONSEIL D'ETAT ?

UNE CONTRIBUTION DEPOSEE  PAR
Nicole JACQUIN, expert énergie indépendante
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"Pour avoir travaillé le dossier en profondeur, oui je comprends l'arrêt du Conseil d'État même s'il ne retient qu'un seul aspect du problème, car ils sont nombreux.

Évidemment, je conçois que les lecteurs du Télégramme aient plus de mal à le comprendre alors que vous écrivez le 7 juin 2007:

"Les différentes phases de la déconstruction de la centrale de Brennilis ont été activées dès sa fermeture, en 1985."

Ce qui est faux. D'abord il s'agit de démantèlement et non de déconstruction même si EDF parle de déconstruction, terme qui s'applique à un concept, à une idée, à une phrase. Alors que "démantèlement" vise une forteresse. Le bloc réacteur de Brennilis, selon vous, ressemble-t-il plus à une idée ou à une forteresse? Cette différence n'est pas mince et illustre bien la confusion, minutieusement entretenue par EDF, entre communication - qui relève en l'occurence de la désinformation - et information du public en amont de toute décision ayant une incidence sur l'environnement et la santé publique. C'est ce qu'a reconnu le Conseil d'État.

Ensuite, et c'est l'information fausse, les différentes phases de démantèlement n'ont pas été "activées" dès sa fermeture en 1985. Sinon quel besoin EDF aurait-t-il eu d'obtenir un décret en février 2006?

1 - La mise à l'arrêt définitif (ou MAD = niveau 1 AIEA - Agence internationale pour l'Energie atomique - de démantèlement) a été réalisé dans le prolongement de l'exploitation et atteint en 1992.

2 - Un décret de 1996, pris après enquête publique celui-là, autorisait le CEA (qui était encore exploitant de l'installation nucléaire qui n'a été remise à EDF qu'en 2000) à démanteler partiellement l'installation ce qui en faisait une installation de stockage de ses propres déchets nucléaire, et à garder le bloc réacteur et son circuit primaire (générateurs vapeur qu'EDF s'apprêtait à découper dès septembre) dans un état de confinement (cf. art. 1 du décret de 1996).

Cette disposition répondait à la démarche ALARA (As Low As Reasonably Acheivable: nuisances aussi faibles que raisonnablement faisable) imposée par une directive européenne qui a été depuis transcrite dans le code de l'environnement français. En effet il était prévu de garder le bloc réacteur ainsi confiné, c'est à dire dans l'état où il représente le moins de risque de contaminer l'environnement et les personnes, pendant 50 ans. Pourquoi? parce que 50 ans après l'arrêt du réacteur, le déchargement du combustible et la vidange de l'eau lourde, les produits d'activation les plus radioactifs qu'il contient (cobalt-60, fer-55) et qui ne peuvent être retirés sans "casser" le bloc réacteur auront perdu leur radioactivité d'un facteur 1025 (2^10 soit 5 pérodes). Et donc diminuera d'autant l'irradiation des intervenants et le risque de contamination de la population.

Autre élément: il n'existait pas et il n'existe toujours pas de filière d'élimination de ces déchets. Cette situation était donc la plus raisonnable. Elle correspond au niveau 2 AIEA de démantèlement. C'est l'état dans lequel se trouvent la grande majorité des réacteurs réputés démantelés de par le Monde.

3 - Mais en 2001, sous pression du Gouvernement et de l'ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire qui n'existe légalement que depuis juin 2006, cherchez l'erreur!), EDF change sa stratégie. Cette option d'attente de décroissance de la radioactivité pour tous les réacteurs électrogènes est inacceptable pour le complexe militaro-industriel du nucléaire, et donc pour l'État, car elle plombe, conjointement à l'insoluble question des déchets, la poursuite de la juteuse et spécifiquement française aventure du nucléaire dit civil, à travers un nouveau programme de centrales.

Brennilis, seul site de la première génération de réacteurs à démanteler qui est susceptible de pouvoir envisager un "retour à l'herbe", est alors choisi comme prototype pour cette génération. C'est une gageure et une  mission impossible en terme d'opération pilote car elle ne peut rien apporter techniquement en matière de prototype d'un démantèlement générique tant ce réacteur est atypique de cette "génération" dont l'autre atypie est Superphénix, qui lui appartient à la fameuse génération 4 qu'on nous promet pour les lendemains qui chantent (cherchez l'erreur!). Il s'agit donc bien en fait d'une vitrine.

Cela montre bien en tout cas que l'enjeu du démantèlement immédiat du réacteur EL4 n'a rien de technique ni d'écologique ni à voir avec la sûreté, mais est une opération hautement politico-financière pour laquelle la communication relève de la "raison d'État".

EDF a donc déposé en juillet 2003 une demande de mise à l'arrêt (effective depuis 1992, cherchez encore l'erreur!) et de démantèlement complet auprès de l'ASN qui n'a pas jugé nécessaire une enquête publique considérant que celle-ci avait eu lieu pour le décret initial de 1996. On en comprendra mieux la vraie raison en découvrant plus tard la vacuité de cette étude d'impact.

Or les données de l'étude d'impact et de l'enquête publique de 1996, où il était question de garder le bloc réacteur confiné pendant 50 ans, n'ont plus rien à voir avec celles de l'autorisation, donnée en février 2006 et maintenant abrogée, de rompre immédiatement le confinement du réacteur et de disperser ses déchets dans une installation fantôme (promise par EDF pour 2015, que fait-on de ces déchets en attendant?).

Voilà pourquoi EDF doit maintenant produire une nouvelle étude d'impact, à jour de la situation actuelle réelle. Celle de 2003 dévoilée au public seulement en mars 2006 décrit une situation qui est fausse et est très insuffisante. L'autorité publique devra soumettre cette étude d'impact à enquête publique avant de délivrer une nouvelle autorisation.

Cette conséquence de la décision du Conseil d'État devrait être une bonne nouvelle pour la population Finistérienne car elle constitue un progrès pour la démocratie et surtout pour plus de transparence dont on nous rebat les oreilles mais dont on n'a pas vu jusqu'ici la moindre lueur.

Car les opérations passées de démantèlement de niveau 2 laissent une contamination inquiétante non élucidée. Niveau 2 qui n'est d'ailleurs à ce jour pas atteint. L'assainissement de la station de traitement des effluents (STE) par exemple, est toujours en panne bien qu'EDF déclare mensongèrement ce bâtiment comme "entièrement démoli".

En effet, en avril 2006, le laboratoire indépendant de la CRIIRAD (créé en 1986 pour contrer le mensonge d'État sur le nuage de Tchernobyl) analysait des échantillons prélevés en aval de la STE par l'association "Sortir du nucléaire Cornouaille" et confirmait la contamination, déjà connue mais itérativement niée, mais révélait en plus une présence significative d'actinium 227, un radionucléide de la chaîne de l'uranium 235 ne devant donc pas se mesurer dans la nature
(voir dossier à l'URL
http://cosmoenergie.infini.fr//docs/articleBrennilisRezo.pdf
).

Or l'actinium 227 est un radionucléide au moins aussi toxique que le plutonium et n'a rien à faire dans l'environnement. Cette toxicité n'a pas l'air d'émouvoir EDF qui refuse toujours de communiquer ses analyses et la nature de ses rejets, malgré qu'une étude commandée au CEA-ACRO ait confirmé la présence de cet actinium, même jusqu'à 4 km de la centrale sous le vent dominant de la cheminée de rejet, sans toutefois fournir d'explication.

Voilà pourquoi, avant même d'étudier l'impact d'une rupture de confinement du bloc réacteur, la situation radio-écologique du Site des Monts d'Arrée doit être mise à plat. Des expertises contradictoires doivent être réalisées en toute transparence et les résultats débattus publiquement. C'est la santé des populations qui est en jeu, pour que la génération à venir ne soit pas la génération cancer, dans le mesure bien sûr de ce qui peut encore être sauvé.

Je reste à votre disposition pour toute précision.